14 février 2020. Promenade sur le plus grand site d’enchères en ligne. Je tombe en arrêt devant une annonce YEMA (Besançon Doubs) Montre Calibre 231 A automatique 1951. Quoi ?! YEMA a produit un mouvement ?! En deux clics, le petit fascicule, objet de la vente, est à moi.
25 février 2020. Promenade sur… blablabla. L’annonce Montre bracelet…*YEMA automatique* avec bracelet m’attire l’oeil. Deux détails sur une photo pour être plus exact : le logo présent sur le cadran et la police calligraphiée du nom de la marque. Mêmes dessins que ceux qui figurent sur la couverture du document acquis quelques jours plus tôt ! Serait-ce possible ? Le jeu mérite largement la chandelle. Je suis le seul enchérisseur et l’emporte donc pour un somme modique. Cool !
Quelques jours de patience… Enfin dans ma boite aux lettres ! Je te (on se tutoie, comme d’habitude, n’est-ce pas ?) propose de découvrir la suite en images.
La brochure
Ce petit document de 10 pages mesure 22×14,5 cm. Tu en trouveras les photos en toute fin de cet article. Lecture facile. Le ton rédactionnel de ces anciens documents m’amuse toujours.
Petits détails à ne pas manquer : les informations concernant le capital, les adresses, les numéros de téléphone etc. Et même la calligraphie du Y sur laquelle on distingue nettement qu’il est en deux parties. Ces vieilles « paperasses » sont toujours riches d’infos.
La montre
Boitier plaqué or, poinçonné, de 34 mm de diamètre sans la couronne. 12 mm d’épaisseur, verre plexi compris. Entrecorne de 18mm
Le fond
Cette montre est équipé d’un fond vissé, sobrement gravé de la mention « automatic », mention dont la typographie et la profondeur de gravure me laissent penser qu’elles ont été réalisées a posteriori.
Le Calibre YEMA 231 A
Bon. On ouvre ? Bingo ! La forme de la masse oscillante, la position des vis… Pas de doute. C’est bien un Calibre YEMA 231 A !
Retrait du bloc de remontage automatique, que nous allons découvrir en détail un peu plus loin…
Il est maintenant possible de voir le mouvement, et surtout de découvrir le puissant clip de maintien du mouvement dans la cage.
Sortie de boite. Prêt à passer sous la loupe et à tater de la brucelle !
Révision du Bloc de remontage
Disposer de la doc pour anticiper ce que l’on va découvrir… Une vrai confort, comme je vais le découvrir plus tard (Et tu sais quoi ? Toi aussi…). Le bloc automatique est ce qui constitue l’originalité de ce calibre.
Les billes du roulement sont tenues par une bague fendue, chassée sur l’axe (n°14 ci dessous), qui s’est relâchée avec le temps (cuvette du bas). Au démontage, c’est parti dans tous les sens. Heureusement les croquis éclatés m’ont bien aidé à reconstituer l’ensemble. J’aurai toutefois beaucoup de mal à le remonter, la bague de maintient tenant très mal son rôle.
Prêt pour le grand bain !
L’horlogerie serait moins drôle si elle n’était accompagnée de moments de solitude, comme celui de la perte d’une bille de roulement de 0,75mm de diamètre, qui n’est évidemment pas un diamètre standard. Impossible à trouver sur internet. J’ai cherché pendant 3h00…. Et, petit miracle du lendemain… ? Tu la vois ? Quand même, t’aurais pu m’aider…
La fourchette et sa dent de loup sont les éléments clefs du dispositif de remontage. Sous l’effet du rotor, qui dispose d’un ergo décentré, la fourchette fait tourner la roue à dents de loup dans un sens et dans l’autre, sur des demi mouvements circulaires. Cette roue engrène avec le pignon de la roue de remontage du barillet sur le mouvement principal. Cet élément n’est fixé par aucune vis, mais simplement tenu en place par une lame de ressort (N031 sur le schéma). L’ensemble se désolidarise très facilement de la masse oscillante, pendant le remontage un peu délicat. J’ai dû m’y reprendre trois fois.
Le cadran
Bon. Ça c’est fait. On continue ? Je te passe l’étape pour retirer les aiguilles. Joli cadran, non ?
Détail intéressant au dos. Le cadran, de très belle facture est signé. CADRALUX, Besançon.
Le calibre YEMA 231 A… ou encore….
Sous le cadran… la découverte : mon calibre YEMA 231 A est en fait un… LORSA 237 B !
Un peu déçu, évidemment, que le mouvement ne soit pas une vraie création de YEMA, mais plutôt une appropriation par la marque d’un système conçu par d’autres… En revanche, cette découverte va me sauver pour la suite.
En attendant de savoir pourquoi, voici tout d’abord ce qu’en raconte sur FAM « carlgustav », puit de science et horloger émérite :
« Joli mouvement, l’une des premières ébauches automatiques françaises, si ce n’est la première. Le système auto est de type » Pellaton « , extrémement simplifié, et de ce fait remarquable par le nombre restreint de pièces le composant. Contre- partie de cette simplicité, un armage limité à 180 °, mais bidirectionnel […]. Le Pellaton » abouti « , tel qu’utilisé par IWC, arme sur 360 °, grâce à 2 cliquets d’armage, faisant office à tour de rôle de cliquet de retenue. Pas besoin donc d’un cliquet de retenue spécifique, tel que monté sur la Lorsa ; très belle réalisation donc, mais largement plus onéreuse, et ne pouvant convenir à une fabrique d’ébauches généraliste .
Ce système auto a perduré jusque dans les années 80,sur les calibres remplaçant la 237, tel le P72 OTO et ses dérivés ; le rendement d’armage était bon, mais l’usure assez rapide, en cas de porté dynamique. »
Lire du FAM : Restauration Navarre automatic mouvement Lorsa 237B
Voir sur Ranfft : caractéristiques techniques du Lorsa 237 B
Là, j’espère que tu as bien suivi. Je répète pour être certain que tu enregistres bien cette information cruciale : le Calibre YEMA 231 A est l’un des tous premiers mouvement automatiques français ! « Yemaricoooo ! » Ce n’est pas de l’innovation, ça ?!
Je m’attaque au démontage du mouvement, dont je vais t’épargner les étapes. Mais c’est quoi ça ? Un frein de tirette cassé pardi ! Mes recherches m’ont permis de constater que c’est de toute évidente un point faible de ce mouvement. En revanche, joies d’internet : retrouver un frein de tirette pour un LORSA 237 B est un jeu d’enfant ! (d’où l’intérêt d’avoir pu préalablement identifier le mouvement grâce à son poinçon.)
Le coq et le spiral méritent un petit zoom, pour le dessin particulier de l’antichoc, que je vais pas prendre le risque d’enlever par crainte de ne savoir le reposer. Beaucoup de pixels (photo de smartphone).
Restauration du verre
Pendant que les pièces du mouvement prennent leur bain je m’attaque à la restauration du verre en plexiglas qui est profondément rayé. Tu vas voir, c’est rigolo.
Etape 1 : dégrossissage au papier de verre.
L’objectif est de faire disparaître ou d’atténuer sérieusement les rayures profondes. Comme je n’ai pas enlevé le verre pour éviter le risque de casse du plexi qui semble d’origine, un protection préalable du boitier s’impose.
Etape 2 : je passe ensuite sur grain plus fin avec du papier de verre pour carrosserie, ou, à défaut, fait appel à la lime de manucure. Là c’est ?… A défaut. C’est bien, tu suis.
Etape 3 : finition au Polywatch
Tadaaam !
Remontage du Calibre YEMA 231 B
Retour de nettoyage. Tout est propre, Mon Calibre YEMA 231 B est prêt à être remonté et ré-emboité. C’est assez simple, finalement un mouvement 3 aiguilles.
Tip, Tap, Top sur la pt’ite boite et… C’est remonté !
L’heure est maintenant à la coquetterie. On sort ce soir. La montre m’a été livrée avec un bracelet lézard de la marque COBRA. Plutôt rigolo quand on sait que Cobra a été dirigé par… Louis Eric Beckensteiner, qui a racheté la marque et a fondé en 2008 YEMA, maison horlogère français 1948. Il lui va bien. Je l’adopte. Le bracelet, pas Louis-Eric.
Lire ou relire : YEMA. Un homme une marque. (Partie III)
La séance photos
Lire aussi : La Yema Class de mon grand-père
C’est pas fini !
D’abord une petite pub d’époque, ci-dessous, insérée dans la revue La France Horlogère, et ensuite, la notice complète si tu aimes les dessins techniques.
Le Calibre YEMA 231 A – Notice
Chose promise… Voici les photos de la notice entretien du bloc automatique, page par page
Allez, salut.
R.C, alias Jerry
PS : tu peux aussi lire ça. C’est sympa.