par R.C alias Jerry
Allez, viens, j’t’emmène… Sortons un peu des autoroutes balisées de la grande histoire YEMA pour emprunter les petits sentiers, plein de découvertes modestes mais qui donnent le sourire. Sept minutes… c’est le temps maximum que te prendra la lecture de cette revue. Comme en cuisine, ça va beaucoup plus vite à avaler qu’à préparer !
Regarde. C’est pas beau, ça ?!
Tu as devant toi le cadran d’une montre de gousset YEMA des années 60. Quoi … Tu croyais qu’on disait « montre A gousset » ?!
Ecoute-moi bien : le gousset est une petite poche que l’on trouve dans les gilets ou même parfois les ceintures de pantalon, destinée à recevoir la montre du propriétaire. Donc on dit « montre DE gousset ». Sauf si Gousset est ton ami. Là tu pourrais dire « c’est la montre à Gousset ». Encore que… en Français il est grammaticalement beaucoup plus correct de dire « la montre de Gousset ». De même, on ne dit pas « je vais au coiffeur », mais « je vais chez le coiffeur ». Sauf, évidemment, si le coiffeur est ton amant. Là, tu peux dire « je vais au taureau ». Voilà. J’espère que l’ambiguïté est définitivement levée pour toi et qu’on y reviendra plus. Non mais.
Poursuivons notre revue de détail… Un peu d’angle dans la prise de vue pour jouer avec la lumière permet de souligner la surface polie des chiffres des heures. Ce jeu de reflets anime agréablement le cadran.
Rapprochons-nous. Les chiffres sont en reliefs. Mais le retour de peinture sur la tranche trahit le dessin par embossage de la plaque de laiton du cadran. Tu n’as pas manqué de constater comme moi le relief de la matière luminescente, pour la lisibilité nocturne de l’heure. Point triangulaire sur les indexes 12,3,6 et 9. Rond pour les autres. Un bon repère dans l’obscurité.
Le compteur des secondes est souligné par un très classique relief de microsillons. Le marquage des chiffres est bien exécuté, sans bavure.
As-tu remarqué l’extrémité recourbée de la grande aiguille des minutes ? Non, elle n’est pas tordue. C’est pour mieux épouser l’arrondi du verre à sa périphérie. Au passage, j’attire ton attention sur la forme particulière du chiffre 4. C’est à elle qui apporte notamment la touche « art déco » de ce cadran séduisant.
Pour aller voir le mouvement de plus près, il suffit de retourner, comme à la Chandeleur. Hop ! Mieux vaut éviter quand même l’exercice de lancer/rattrapage si tu envisages de réutiliser ta montre après. Comme tu le constates, c’est plutôt sobre. Les masselottes d’équilibrage du balancier apportent toutefois une petite touche de finesse à l’ensemble.
Le poinçon nous indique qu’il s’agit d’un mouvement HP 40. Recherche rapide sur le web. Résultat : « HP » comme « Hipollyte Parrenin ». 1851-1915. Horloger émérite, fabricant d’ébauches, qui a beaucoup fait pour favoriser l’interchangeabilité des mouvements et la collaboration franco-suisse. Le HP 40 est l’un des calibres les plus connus de la manufacture. Il a été conçu en 1948. Il sera notamment adopté par les écoles d’horlogerie, mais aussi, par LIP qui l’emboitera sous la référence R 167 ou ZENITH. Il est encore présent au catalogue 2019 de la société TBRP Group / Schwartzmann Fisseau-Cochot. De fait, il est extrêmement facile de trouver des montres comme celle que nous observons ensemble en ce moment, à des prix tout à fait attractifs et abordables, même pour une bourse modeste. Une recherche sur l’expression « HP 40 » ramène de nombreuses montres en tout point comparables à celle que nous regardons ensemble, qui n’a donc de YEMA que le logo de son cadran. Mais c’est déjà quelque chose ! Ce calibre est un moyen d’entrer un peu dans la belle horlogerie mécanique sans se prendre la tête ni compromettre son budget. Et ça, j’adore. Bref l’entreprise PARRENIN est un joli morceau de l’histoire horlogère de la Franche-Comté, qui a produit, tiens-toi bien, jusqu’à près de 10 millions d’ébauches par an à la fin des années 80 ! Si cette histoire t’intéresse, tu trouveras beaucoup plus d’informations sur le site Patrimoine en Bourgogne Franche Comté.
Tu trouveras facilement, avec à ton moteur de recherche favori (moi j’utilise Sohu. Essaye, tu verras : c’est la classe.) la notice technique complète du mouvement publiée par l’incroyable ChP qui a reproduit un nombre incalculable de vieux documents horlogers pour le plus grand bonheur des amateurs. En voici la première page. Elle permet notamment d’apprendre qu’il en existe une version avec date, sous la référence 401.
Petit tour, maintenant, du côté du fond vissé de cette montre. Il porte une intéressante mention : « Boitier Etanche – Brevet 637081 – Métal Nickelé et chromé – J.F. » Une recherche sur la référence du brevet n’apprend malheureusement pas grand chose si ce n’est la confirmation que de nombreuses marques y ont fait appel. Le vissage du fond (plutôt que le « clipsage ») permet de dater ce chrono des années 60, sans devoir faire appel au carbone 14.
Le revêtement à base de nickel et de chrome s’applique a priori au boitier, mais pas que… certains ponts sont également recouverts. Cela permet à certains de laisser libre court à leur fibre artistique, comme en témoigne l’exemple baroque ci-dessous, découvert dans un article de « JCS » sur le forum Horlogerie-suisse.
Révélation au passage d’une marquage de révision
Côté face, un motif très classique et assez typique des années 50/60
Tiens ? c’est quoi cette inscription ? Ah, d’accord… Une autre marque de révision. Cette horloger là, peu bien peu respectueux, voulait sans doute s’assurer que tout un chacun verrait sa signature… Et en plus, il a laissé une miette…
Le tour du propriétaire est presque terminé. Le mouvement regagne le boitier. Ne pas oublier de remettre le joint d’étanchéité (sinon il aurait l’air malin, le fond, avec son inscription « Boitier étanche »…). La présence du joint conforte l’idée d’un chrono de facture relativement récente.
Un p’tit plan sur la couronne et la bélière qui n’inspirent pas de commentaire particulier. C’est pour ceux qui lisent sur la plage et ne regardent que les images à la recherche d’un détail croustillant…
Cette montre mérite qu’on lui tire un joli portrait.
Cet article ne saurait s’achever sans le respect de la tradition bien ancrée du « Pocket Shot » :
Ben oui, c’est un pocket shot ! Tu t’attendais à quoi ?! Allez, sois sympa, demande moi l’heure pour que je puisse t’impressionner par mon élégance…
Oulà ! Je vais rater mon train. Je me sauve. Merci d’être resté jusqu’à la fin !
Jerry.