Il y a peu, nous avons été contactés via le formulaire du site par Patrick Guilleminot. Il a été un témoin important de l’histoire de Yema, il fait même pleinement parti de cette histoire puisqu’il fut employé par Yema de 1976 à 2010 soit 34 ans !
De 1976 à 1983 chez Yema International : Horloger réparateur électronique
Vous allez voir qu’il a beaucoup à nous apprendre sur l’histoire de Yema. 😉
Tout commence en 1976 où après 3 ans d’études, il obtient son CAP d’horloger au lycée professionnel Jules Haag de Besançon.
L’histoire avec Yema n’aurait très bien pu jamais commencer, car juste à la fin de ses études, il y avait peu de travail à Besançon, alors il signe et s’engage dans la Marine Nationale, il en a les aptitudes et désire voyager. Son professeur d’atelier, Mme Combe, trouve cela hasardeux et décide de lui trouver du travail. Elle téléphone chez Yema qui l’embauche aussitôt ! le lundi suivant il se présente donc chez Yema et prend son poste en tant d’horloger réparateur électronique.
Quelques jours plus tard des officiers de la Marine Nationale sonnent à sa porte mais heureusement en expliquant la situation, ils sont compréhensifs. Ils lui demandent juste de passer à la permanence pour annuler son engagement ! Il fera toutefois son service national dans la Marine Nationale. Il sera le seul à venir travailler chez Yema pendant ses permissions « au black ».
En 1976, Les locaux de Yema se trouvent dans le grand bâtiment ultra moderne rue des Cras et c’est bien sûr Henry-Louis Belmont qui est aux commandes. Yema est en plein essor avec 330 salariés, 300 à Besançon et 30 VRP et 850000 montres vendues. Le travail et la rigueur sont de mise dans l’usine, la blouse est imposée à tout le monde, l’ambiance changera après son départ. En 1976 on est dans la révolution du quartz et Yema compte bien en faire partie. Voici quelques pages du catalogue 1976 que Patrick Guilleminot m’a envoyé :
une page du catalogue avec une belle navygraf 😉
Le catalogue complet est ici: https://leclubyema.com/index.php/medias/catalogues-yema/
Patrick Guilleminot va me donner quelques anecdotes dont celle qui concerne le nom BELMONT, en effet en 1966 pour des raisons que j’ignore Henri louis Blum décide de changer de nom pour Henry Louis Belmont, alors pourquoi Belmont et bien il semblerait qu’il ait tout simplement choisi ce nom chez le coiffeur en baissant la tête et en découvrant la marque du siège sur lequel il était installé !
Je vais apprendre aussi pas mal d’autres choses intéressantes, pour les superman par exemple les couronnes venaient souvent de chez Cheval à Besançon, entreprise qui existe toujours, les cadrans étaient fabriqués par Fraporlux, les aiguilles chez Universo, les verres chez Tena Butty, les boitiers chez Monnier, les bracelets chez Boss etc. A cette époque les références sur le fond servaient au SAV, elles permettaient de savoir immédiatement quel verre, quel joint et quelle couronne utiliser. Exemple 24-11 -17, 24 pour le verre, 11 pour le joint et 17 pour la couronne.
En 1978 cela évolue. Voici un document très intéressant qui nous indique ce que signifie à partir de cette date les références sur le fond.
Les chaines de montage étaient grandes et il fallait occuper tous ces employés c’est pourquoi Yema emboitait aussi pour d’autres marques.
Ce document est à découvrir ici : https://leclubyema.com/index.php/medias/docs-yema/
Il y avait également une armoire avec plus de 900 plaques de marques différentes pour le marquage des cadrans pour Yema et d’autres marques, donc « ces Yema qui n’en sont pas » si chères à Pierre Jean cf son article
https://leclubyema.com/index.php/2020/09/27/ces-yema-qui-nen-sont-pas-le-cadran-63/
Ces Yema non marquées Yema étaient bien entièrement assemblées par Yema, et en 2009 c’est Patrick Guilleminot qui remettra les plaques marquées Yema ainsi que beaucoup d’archives à Monsieur Christopher Bôle actuel Directeur général délégué Montres Ambre S.A., qui détient la marque Yema aujourd’hui.
Yema était aussi capable de faire des séries limitées avec des cadrans marqués différemment de 200-500 pièces à la demande.
Un article sur les médaillés de 1983 avec la présence de Mrs Henry-Louis et Henry-John Belmont
Patrick Guilleminot va ensuite connaitre toutes les différentes évolutions de la marque, les changements de direction, les déménagements.
De 1983 à 1987 chez Matra Horlogerie : Horloger réparateur de mouvements.
Mr Meyer est président Directeur général de Matra Horlogerie il ne vient pas à vélo comme Mr Belmont venait parfois à son usine mais en voiture avec chauffeur et cocarde tricolore sur le pare-brise !
Matra Horlogerie avait sorti des prototypes sous la marque MH pour demander l’avis des clients avant de les commercialiser sous la marque Yema ou une autre marque du groupe. L’information a circulé dans le milieu professionnel, Michel Herbelin porte plainte, MH c’est lui ce n’est pas Matra Horlogerie, il gagne le procès, les prototypes sont mises au placard.
Pendant cette Période Patrick Guilleminot a créé un service de réparation pour les mouvements quartz et mécaniques de Yema avec 10 horlogers.
Cette création a été approuvée par Mr Henry-John Belmont avant qu’il soit ne remercié par la CGH et arrive chez Jaeger-Lecoultre.
La CGH valide en 1988 une entreprise indépendante Modulhor à Josselin dans le Morbihan pour prendre les réparations des mouvements. Des salariés seront licenciées.
De 1987 à 1996 à la CGH : Horloger gestionnaire de retour.
Vous trouverez pas mal d’infos sur la CGH dans le bel article de Jerry : https://leclubyema.com/index.php/2020/07/09/jacques-meyer-raconte-la-c-g-h/
La grande stèle noire devant l’entrée représente un barreau de quartz de montre.
Les boitiers de montres Yema sont fabriqués avec les mêmes machines-outils que les boitiers Cartier au site de Morteau de la CGH ;
La qualité Cartier est de rigueur pour les montres Yema.
Yema sort toute une collection America’s Cup, les modèles se vendent très bien.
La marque Corum porte plainte, America’s Cup c’est elle et ce n’est pas Yema, Corum gagne le procès. Les ventes sont interrompues. Celles qui sont vendues sont vendues, il n’y a pas de reprise client, Yema tourne la page. Celui qui a une America’s Cup Yema a un garde-temps collector.
Yema crée une marque DELTA.
La CGH crée le réseau Heurequal. De nombreux horlogers sont licenciés.
Mr Guilleminot répare seulement les Yema des litiges clients, des DOM-TOM, de l’export et des foyers des casernes en Allemagne que le réseau Heurequal a oublié de mettre dans son contrat.
C’est aussi à cette époque pour Yema, grâce à ses montres, participe à une grande aventure la Transantarctica, avec Jean louis ETIENNE, Patrick Guilleminot possède un exemplaire numéroté et a précieusement gardé des documents d’époque :
C’est également encore l’époque des spationautes, avec en 1992 le modèle Antares:
Yema est également partenaire de nombreuses aventures sportives, comme le raid gauloise, le trophée Andros ou d’exploit extrême comme le vol en ulm de Hubert Chevigny et de Nicolas Hulot pour atteindre le pole nord mais ceci ….fera surement l’objet d’un autre article 🙂
On est en plein dans l’époque de la fin de la CGH. Seiko Corporation crée 2 entreprises : Seiko France et Yema SA ;
De 1996 à 2004 chez Yema SA : Horloger réparateur
En 2002 intervient le décès de Henry Louis Belmont et Patick Guilleminot va garder son avis de décès.
S’en est fini de la CGH mais la société Yema S.A est créé et Monsieur Jean-Luc Biansan est nommé directeur général et Louis-Éric Beckensteiner est nommé directeur commercial.
En 1996 va être une date importante pour Patrick Guilleminot, jusqu’à présent le SAV des montres Yema est sous-traité à Heurequal, mais en découvrant cela et en voyant les factures très importantes, M. Biansan demande à ses collaborateurs de trouver une solution !
C’est Patrick Guilleminot qui va proposer de ramener le SAV directement chez Yema et va mettre ce projet en route, grâce à quelques établis, beaucoup de pièces détachées, de l’outillage qui avait été mis de côté, et 2 horlogers dans un premier temps puis 3, la durée de garantie passe de 1 an à 2 ans en 1997, le SAV traite environ 1000 montres par mois.
Voici un article de presse de 1997 sur le SAV
http://fr.1001mags.com/parution/entreprendre/numero-111-mai-1997/page-124-125-texte-integral
2005-2009 Responsable réparations, maître horloger chez YEMA Maison Horlogère Française 1948
En 2005 Louis-Éric Beckensteiner rachète la marque. Pour être précis, il achète aussi le stock de montres Yema, les pièces détachées, du mobilier, de l’informatique etc. à Seiko Corp. Il crée une entreprise qui s’appelle Yema Maison Horlogère Française 1948 (YMHF).
L’ambiance entre Seiko France et Yema SA a bien changé. Il existe un certain mépris de la part de l’équipe Seiko vis à vis de l’équipe Yema, elle ne nous fait pas de cadeaux, la surface destinée à Yema diminue de plus en plus…. « On nous pousse à la sortie… »
Toutes les palettes avant d’être mises dans les camions sont inspectées par des salariés Seiko France.
Seiko France a été chargé par Seiko Corp. de la liquidation de Yema SA.
Louis-Éric Beckensteiner entraine avec lui 25 salariés dont Patrick Guilleminot et emménagent dans des locaux temporaires rue Hilaire de Chardonnet.
La conséquence tous les envois pour Yema SA courriers, factures, chèques bancaire et colis de réparations étaient pour Seiko liquidateur de Yema SA.
« Nous avons attendue 2 mois pour que Seiko nous donne enfin les réparations des clients qui n’avaient pas compris la situation et ne les envoyer pas à la bonne adresse. À titre commerciale ces réparations n’ont pas été facturé aux clients »
Les clients qui avaient compris ont eu leurs commandes de fournitures ou leurs réparations faites dans les délais.
Louis-Éric Beckensteiner relance la marque DELTA pour concurrencer la Swatch.
En 2008 Yema va emménager dans ses nouveaux locaux, le 17 mars à la St Patrick. 😉
Une anecdote marrante les employés avaient tous dans leur contrat droit à 1 montre gratuite par an et 2 bouteilles de beaujolais !! car une cérémonie pour les médailles du travail et les anciennetés maison était organisée le 3e jeudi de novembre le jour du beaujolais et cet avantage sera conservé ensuite par le futur repreneur le Groupe Ambre.
Il y a une belle horloge au-dessus des nouveaux locaux mais avec des aiguilles fixes ! surprenant pour un horloger comme le soulignait Jerry dans son article :
https://leclubyema.com/index.php/2018/10/04/yema-un-homme-une-marque-partie-iii/
Patrick Guilleminot va aussi trouver cela curieux et va demander à Louis-Éric Beckensteiner pourquoi ? il a répondu je suis comme Fred Lip « je ne donne pas l’heure, je la vends »
Il y a une ambiance familiale. L’entreprise possède un terrain de pétanque. Lors de la pose déjeuné nous jouons avec les boules estampillées Yema Maison Horlogère Française 1948.
Voici les miennes en photos 😉
une visite des locaux sera organisée en septembre 2008 et Mr Guilleminot fera parti de ceux qui accueillent les visiteurs, comme le montre ce document extrait d’un résumé fait par Jecko sur chronomania et sur Fam,
Malheureusement à cause de la chute en bourse du partenaire principal de Yema la société est brutalement mise en cessation d’activité puis rachetée par Ambre.
De 2009 à 2010 chez Montre Ambre S.A filial Yema
Responsable fabrication & réparations, maître Horloger
En 2009 encore un déménagement rue Einstein cette fois les rescapés ne seront plus que 6 : un horloger, un agent de logistique, un fournituriste, une comptable, une commerciale et une assistante de direction.
Voici un article très intéressant :
En 2010 juste avant le déménagement pour les locaux actuels de Yema (1 Rue Fontaine l’Épine, 25500 Morteau) que Monsieur Guilleminot quitte Yema ! il est débauché par la Swatch-Group-France où il travaillera jusqu’en 2018 comme horloger diagnostiqueur dans les anciens locaux de Yema au parc La Fayette.
« je rentre chez Yema le 28 juin 1976 et j’en sors le 28 juin 2018 des anciens locaux de Yema »
Voilà c’est la fin, cet article retrace la vie d’un ouvrier Yema qui a presque tout connu, sauf les toutes premières années, il a participé à l’histoire de Yema et grâce à son témoignage et aux documents qu’il m’a fourni il va nous aider à connaitre un peu plus le passé de cette marque qu’on affectionne tant !
Je n’ai pas pu intégrer tous les documents confiés mais ils seront petit à petit intégrés au site et vont même permettre de réaliser un ou deux articles supplémentaires.
Aujourd’hui Mr Guilleminot n’a rien gardé comme pièces ou outils, après 45 ans dans l’horlogerie il a décidé de passer à autre chose et c’est bien normal, et quand on lui demande quelle est sa montre préférée la voici :
Un grand merci Mr Patrick Guilleminot, j’espere pouvoir vous rencontrer lors de mon prochain passage dans le Doubs 😉
Batilou 22 janvier 2021 avec Mr Guilleminot de Besançon
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